Les billets de Thierry Bur n°4 : Lean et Supply Chain Management / 1ère partie – Origine et définition du Lean

23 sept
23 septembre 2014

Blog-Cereza-Icone-Thierry-BurDans ma pratique du conseil en Supply Chain Management (SCM), je constate en effet de  nombreux points de convergence et decomplémentarités entre ces deux approches qui, bien qu’assez récentes, atteignent l’âge de la maturité.

J’ai donc souhaité prendre du recul, définir ces deux démarches de transformation des entreprises, en m’appuyant notamment sur mon expérience opérationnelle, analyser les apports respectifs du Lean et du SCM en mettant en évidence ce qui les rapproche et ce qui les différencie.

Le sujet étant très vaste et impossible à traiter rigoureusement dans un unique billet, mais aussi pour en faciliter la lecture sera  traité en plusieurs parties et autant de billets que vous retrouverez toutes les semaines pendant 9 semaines avec 4 premières parties « théoriques » et 5 « zooms » sur le Lean et le Supply Chain Management.

  1. Origine et définition du  Lean : description et définition du Lean Management
  2. Mon expérience du Lean
  3. La pratique du Lean
  4. En synthèse, que retenir de la mise en œuvre du Lean Management ?
  5. Lean et Supply Chain Management – Les fondements du Lean : une orientation flux
  6. Le Lean dans la Suppply Chain
  7. Pourquoi le Lean est moins efficient que le Toyota Production System
  8. La définition du Supply Chain Management et la comparaison des fondements du Lean et du SCM
  9. Suite de la comparaison du Lean et du SCM – Conclusion

 

Partie n°1 : Origine et définition du  Lean

Depuis les premières formalisations du Lean vers 1990, le Lean est déclinée aujourd’hui à toutes les sauces : Lean, Lean Manufacturing, Lean Management, Lean Enterprise, Lean Six Sigma, Lean Design/Development, Lean Office, Lean IT, Lean Supply Chain Management, Lean Project Management, Lean in Finance, Lean Maintenance (TPM), Lean Sales and Marketing, Lean Logistics, Lean Transformation, Lean Warehousing, Lean Transportation, Lean Start Up… On en vient à qualifier de Lean des choses qui n’en sont pas !

Je vous invite à ce propos à consulter l’excellent article de Lucille Achard [0] qui précise les méthodes de de gestion de projet informatique Agile et Lean.

Paradoxalement, tout le monde se veut Lean mais peu d’entre nous savent définir ce qu’est le Lean, ou seulement de façon restrictive. Je propose de revenir dans ce cadre à la définition du Lean à partir de son inspirateur, Toyota Motor, qui est également une des entreprises qui ont le mieux mis en œuvre le Lean, au travers du Toyota Production System.

1.    Les origines du Lean

La MIT Sloan School of Management a lancé le programme IMVP (International Motor Vehicle Program) en 1980 pour identifier les leviers de performance dans l’industrie automobile. Il a conduit à benchmarker les performances de multiples usines automobiles autour du monde. Les modes de production révolutionnaires aux résultats époustouflants des constructeurs japonais sont qualifiés de Lean.

Une large diffusion de ces travaux sera réalisée en 1990 au travers de l’ouvrage The Machine that changed the world [1] de James Womack, Daniel Jones et Daniel Roos, les patrons du programme IMVP, qui mettent en évidence :

  1.  Que les constructeurs Lean sont bien plus performants en termes de méthodes de production ont non seulement une meilleure qualité de production (27% et 38% de défaut de moins par véhicule que les constructeurs américains et européens, données 1989) mais aussi un coût de revient plus bas, en comparant notamment les principaux indicateurs des usines de montage :
    • Des usines japonaises plus denses (27% de surface de moins, selon un ratio surface/véhicule produit)
    • Des stocks très inférieurs dans les usines japonaises (0,2 jour) contre 2,5 jours en occident
    • Mais aussi une polyvalence et des changements de poste plus fréquents chez les opérateurs des constructeurs japonais, avec un absentéisme trois fois plus faible
  2.  Mais qu’ils ont également un Time to Market bien plus réduit, avec un délai de développement de 46 mois pour les constructeurs japonais et quasiment de 60 mois pour les constructeurs occidentaux, des équipes d’ingénierie deux fois plus petites et une capacité à produite des véhicules au standard de qualité cible dès 1,4 mois après le lancement contre 11 et 12 mois pour les constructeurs occidentaux.

Ces travaux ont fait l’effet d’un électrochoc dans l’industrie automobile occidentale, d’autant plus que cette performance industrielle nippone s’est traduite par une percée commerciale (Toyota détenait 1% de part du marché américain en 1970, puis 6,4% en 1980 lorsque des quotas d’importation ont été mis en place, et à présent 17%).

La méthode de production sous-jacente la plus aboutie est le Toyota Production System (TPS) qui a été conçu par Taiichi Ōno (1912-1990) et Eiji Toyoda (1913-2013) chez Toyota Motor Corporation. L’origine de cette création résidait dans l’incapacité d’appliquer les méthodes fordiennes (qui ont fait émerger et sont adaptées à la production de masse) pour la production automobile au Japon dans les années 1950, compte tenu de l’étroitesse des volumes et malgré tout de la diversité de produits attendue par les clients. La faiblesse des moyens financiers accordée par le groupe Toyota au développement de Toyota Motor était une autre contrainte nécessitant d’apporter des améliorations à très faible coût.

Le Lean a ensuite été théorisé par des chercheurs et des consultants occidentaux, sur la base du Toyota Production System… Comme je souhaite comparer le Lean au sens de la gestion des flux de matière (Lean Manufacturing) avec le Supply Chain Management, je m’appuierai pour ces comparaisons sur les  documents fondateurs du Toyota Production System et de ses implications organisationnelles, même si je n’ai trouvé à ce jour aucun ouvrage exhaustif pour la description du Lean, ce qui démontre bien sa complexité et son caractère multiforme.

 

 2.    Définition

Le Lean Manufacturing, Lean Management ou  simplement le Lean, est un système d’organisation du travail  qui considère que toute ressource utilisée lors du processus de production qui ne contribue pas à créer directement de la valeur est un gaspillage et doit être éliminée.La valeur, considérée du point de vue du client, correspond à toute attente pour laquelle le client est prêt à payer.

Une autre définition proposée par Jim Womack est la suivante : Creating more and more value with less and less. That means less time, less space, less effort, fewer errors.It’s pretty simple. It’s all Lean is. The question is how you do that ?

Cette dernière question pose le vrai problème : la complexité à transformer l’entreprise en profondeur pour qu’elle devienne lean et qu’elle instaure la discipline d’amélioration continue.

Mais reprenons également la définition du Toyota Production System par Toyota [2] :

The practical expression of Toyota’s people and customer-oriented philosophy is known as the Toyota Production System (TPS). This is not a rigid company-imposed procedure but a set of principles that have been proven in day-to-day practice over many years. Many of these ideas have been adopted and imitated all over the world.TPS has three desired outcomes:

  • To provide the customer with the highest quality vehicles, at lowest possible cost, in a timely manner with the shortest possible lead times.
  • To provide members with work satisfaction, job security and fair treatment.
  • It gives the company flexibility to respond to the market, achieve profit through cost reduction activities and long-term prosperity.

TPS strives for the absolute elimination of waste (muda), overburden  (muri) and unevenness (mura) in all areas to allow members to work smoothly and efficiently. The foundations of TPS are built on standardisation to ensure a safe method of operation and a consistent approach to quality. Toyota members seek to continually improve their standard processes and procedures in order to ensure maximum quality, improve efficiency and eliminate waste. This is known as kaizen and is applied to every sphere of the company’s activities.

Je note que Toyota met en avant des objectifs concernant la satisfaction des salariés ce que ne reprend pas la définition du Lean. Nous verrons ultérieurement que cette différence n’est pas anodine.

Auteur : Thierry Bur

A suivre : « Lean et Supply Chain Management - Partie 2 : Mon expérience du Lean  » à paraître le 30 septembre

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Sources :

[0] http://blog.cereza.fr/si-agilite/agilite-vs-lean-lequel-choisir-870

[1] The Machine That Changed the World: The Story of Lean Production-Toyota’s Secret Weapon in the Global Car Wars that is Revolutionizing World Industry, James P Womack, Daniel T Jones, Daniel Roos, 1990, seconde édition parue en 2007

[2] http://www.toyota.com.au/toyota/company/operations/toyota-production-system

 

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