La sécurité ferroviaire : état des lieux
La catastrophe ferroviaire du 12 juillet dernier à Brétigny-sur-Orge (Essonne) a relancé le débat sur la sécurité ferroviaire : quel est l’état du réseau français ? Le train est-il un mode de transport sûr ? Quelles sont les causes principales des accidents ? L’ouverture à la concurrence a-t-elle un effet sur la sécurité ?
De manière générale, les études les plus récentes montrent une amélioration des conditions de sécurité ferroviaire en Europe[1]. La fréquence des accidents les plus graves se réduit et le nombre de décès est passé de 117 en 2000 à 20 en 2009[2]. En France, la tendance est similaire : on observe une baisse d’un tiers du nombre de décès et une baisse de 40% du nombre d’accidents sur la même période[3]. Dans le fret, on estime l’occurrence d’un accident grave une fois tous les 40 à 60 ans[4]. Juste derrière l’avion et loin devant la voiture, le ferroviaire est bien un des modes de transport les plus sûrs : de 2008 à 2010, on dénombre 0,1 mort par milliard de km-passagers en avion, contre 0,15 mort en train, soit 28 fois moins qu’en voiture et 337 fois moins qu’en deux-roues[5].
Le risque zéro n’existe pas
Malgré ces statistiques plutôt rassurantes, le risque zéro n’existe pas et l’amélioration de la sécurité ferroviaire reste une préoccupation majeure pour les institutions nationales et supranationales qui en ont la charge. En Europe, c’est l’European Railway Agency (ERA) qui accompagne la formation d’un réseau intégré « fiable et interopérable ». Dans cette perspective, son mandat s’étend au pilotage du projet d’harmonisation des standards de signalisation ERTMS (European Rail Traffic Management System). Le cadre réglementaire sur la sécurité ferroviaire est défini par la directive européenne 2004/49/CE. Elle impose notamment à chaque État Membre la création d’un organisme indépendant des opérateurs ferroviaires, disposant de toutes les compétences nécessaires en matière de sécurité ferroviaire. En France, c’est l’Établissement Public de Sécurité Ferroviaire (EPSF), en accord avec l’Autorité des Affaires Ferroviaires (ARAF), qui délivre les certificats de sécurité permettant le transport de marchandises et de passagers. En outre, Réseau Ferré de France (RFF) impose une procédure de vérification de compatibilité, réalisée en pratique par SNCF-Infra, aux opérateurs ferroviaires désireux de circuler sur le réseau français. L’ensemble de ces procédures vise ainsi à optimiser la sécurité sur le réseau ferré national, et font de la France le 3ème pays européen en matière de sécurité.
Mais ne crions pas cocorico trop vite. Car la vétusté du réseau national appelle à redoubler d’effort en matière de maintenance et rénovation. Le réseau français est vieillissant et certaines lignes peu empruntées sont délaissées. Si en 2011, 69% des dépenses ont été affectées à la maintenance et la rénovation des voies ferrées, ce pôle de dépenses reste prioritaire par rapport au développement de nouvelles lignes[6]. Les cibles visées sont naturellement les principales causes d’accidents : les passages à niveaux, la vitesse non maîtrisée et les tronçons à voie unique. Les passages à niveaux comptent pour 30% du nombre de victimes en Europe. En France, la réduction de leur nombre est déjà à l’origine d’une baisse de 50% du nombre de décès depuis 1990. D’autre part, l’optimisation des systèmes embarqués d’assistance des conducteurs, notamment les modules ERTMS/ETCS (European Train Control System), permet de réduire considérablement les risques d’accidents relatifs à des erreurs de conduite. Enfin, d’importants efforts restent à produire en matière d’harmonisation du réseau européen pour améliorer la sécurité et éviter des accidents relatifs au manque de coordination entre réseaux voisins : « Il s’agit de rapprocher les règles techniques des différents pays (les roues, les trains…), qui, pour l’instant, ont des éléments aux antipodes les uns des autres », précise une députée européenne.
Le rôle déterminant du système d’information de production des entreprises ferroviaires
Autre préoccupation majeure : l’ouverture à la concurrence a-t-elle un effet sur la sécurité ferroviaire ? Bien qu’aucun lien de causalité ne soit prouvé, de nombreuses études ont cherché à évaluer le lien statistique entre ces deux variables, principalement dans le fret puisque peu de données sont disponibles dans le transport de passagers. Le constat est unanime : l’ouverture à la concurrence et le nombre d’accidents ne sont pas significativement corrélés[7]. La relation jouerait même (faiblement) en faveur de la libéralisation, et ce résultat s’observe également dans les autres modes de transport libéralisés[8]. Néanmoins, le biais principal auquel ont été confrontées les études statistiques réside dans la réponse à la question : que ce serait-il passé en l’absence de libéralisation ? Bien qu’aucune étude contrefactuelle n’ait pu être réalisée, la réponse communément admise est la suivante : la tendance de long terme se serait poursuivie, et la libéralisation n’a statistiquement pas modifié cette tendance.
En conclusion, le transport ferroviaire est un des modes de transport les plus sûrs. En dépit de la vétusté du réseau français, le nombre d’accident reste très limité et continue de diminuer en France et partout ailleurs. À l’heure de l’ouverture à la concurrence et de l’intégration des réseaux européens, les principaux acteurs de la sécurité ferroviaire poursuivent leurs efforts coordonnés de fiabilisation des infrastructures, des circulations, des systèmes de signalisation et d’assistance à la conduite, dans le but de faire du train le mode de transport le plus sûr et donc le plus attractif.
Le Système d’Information de production des entreprises ferroviaires en véhiculant les informations de sécurité est une composante essentielle dans la sécurité ferroviaire. Il peut notamment faire référence par exemple pour le suivi et la gestion des habilitations des agents de conduite ou bien dans le cas du transport de marchandise pour la localisation rapide des marchandises dangereuses.
Auteur : B. L.
Sources :
[1] Evans, A. W. (2013) “The economics of railway safety”, Research in Transportation Economics, n° 43, pp. 137-147.
[2] European Statistical Pocket Book, 2011. Données calculées sur l’Europe des 15.
[3] Rapport de Réseau Ferré de France remis en juin 2013 à l’Établissement Public de Sécurité Ferroviaire.
[4] Bonache, A. (2010) « Dérèglementation, sécurité et prévision d’accidents extrêmes : le cas du fret ferroviaire français », Les Cahiers Scientifiques du Transport, n° 58, pp. 77-97.
[5] Rapport de l’Agence Européenne du Rail, 2013.
[6] Rapport de la Cour des Comptes réalisé sur demande du Sénat, 2013.
[7] Voir (4).
[8] Elvik, R. (2006) “Economic deregulation and transport safety: a synthesis of evidence from evaluation studies”, Accident Analysis and Prevention, n° 38, pp. 678-686.
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