Les billets de Thierry Bur n°1 : Planification du Transport, l’exemple de la production automobile

25 oct
25 octobre 2013

Blog-Cereza-Icone-Thierry-Bure transport est le premier poste de coût de la supply chain (hors activité de production et d’achat de composants). Il représente généralement entre 45 et 60% des coûts, devant l’entreposage, la logistique interne des usines, les frais associés aux stocks, le système d’information, etc.

Le transport peut lui-même être décomposé entre le transport amont et le transport aval, qui ont généralement des ordres de grandeur analogues.

Cet article se propose de traiter de l’organisation et de la planification des transports en amont des usines de production, un sujet assez peu formalisé. Nous avons fait le choix de parler de la planification du transport dans un exemple d’industrie de production de masse : l’automobile. Cette industrie se caractérise par une régularité des flux de composants qui permet la mise en place de processus et d’optimisations spécifiques.

Quelle organisation pour le transport ?

Dans le secteur automobile, de premières évolutions majeures de l’organisation du transport  se sont produites sous l’impulsion du déploiement du « Lean Manufacturing » : les constructeurs ont accéléré les fréquences de livraison et ont pris à leur charge l’organisation des transports entre les usines des fournisseurs et celles du constructeur, alors que c’était précédemment à la charge des équipementiers.

Ces évolutions ont nécessité de renégocier les conditions d’achat des pièces afin d’isoler le coût de transport et de changer les incoterms à EXW (exworks), le transport passant à la charge de l’acheteur.

Dans la grande majorité des cas, il était plus rentable que le constructeur prenne à sa charge le transport. Seuls quelques cas particuliers tels que les transports de verre nécessitant des moyens de transport spéciaux ou l’existence d‘optimisations pré-existantes telles que des mutualisations de pièces mécaniques (pondéreuses) et de pièces textiles (volumineuses mais non pondéreuses) n’ont pu être convertis.

La prise en charge de l’organisation du transport a apporté différents avantages :

  • Une supply chain optimisée caractérisée par :

- L’accroissement des fréquences de livraison, la livraison à minima quotidienne étant devenu la règle,

- L’organisation de circuits de transport permettant de mutualiser les flux de plusieurs fournisseurs de taille moyenne localisés dans la même zone géographique, afin d’assurer une livraison quotidienne voire multi quotidienne,

- Une réduction des stocks en usine, impact direct de l’accroissement de la fréquence et de l’amélioration du respect des ordres d’approvisionnement par les fournisseurs,

- Les deux effets combinés précédents ont permis de supprimer le coûteux passage par un magasin, les pièces passant directement des quais de réception au bord de ligne (la suppression du passage par un magasin n’ayant cependant pas pu être généralisée),

- Un coût global optimisé

  • Une réduction des coûts de transport, les constructeurs ayant une capacité de négociation du transport supérieure compte tenu des effets de volumes. 

Ces démarches ont eu lieu il y a plus de vingt ans chez de premiers constructeurs occidentaux et plus récemment chez d’autres constructeurs.

Comment optimiser la planification du transport ? 

La problématique de la planification du transport est complexe pour diverses raisons.

En premier lieu, il faut arriver à transformer des besoins d’approvisionnements, exprimés en nombre de pièces pour un article donné (voire en unités de manutention dans le meilleur des cas) en volumes à transporter en intégrant les règles de gerbage, quasiment jusqu’à établir le plan de chargement des camions.

En deuxième lieu, le choix de la solution de transport induira des coûts différents selon divers paramètres : par exemple un achat de transports directs d’un site fournisseur à l’usine sera bien plus économique (à condition de bien remplir le camion) qu’un transport en messagerie avec un passage par une ou deux plateformes, de même un achat régulier (transport ayant lieu selon une périodicité fixée) sera généralement plus avantageux qu’un achat spot (sauf conditions particulières du marché transport liées à des excès de capacité transport).

En troisième lieu, il faut continuellement ajuster l’organisation transport aux volumes à transporter, afin d’assurer un taux de remplissage maximal des moyens permettant de minimiser les coûts de transport.

Enfin, la mise en place de circuits réguliers, c’est-à-dire de routes entre des fournisseurs et une usine est chronophage compte-tenu de la diversité des opérations à réaliser : depuis l’identification des évolutions de schéma de transport à la validation avec les différents acteurs concernés (réceptions usines, fournisseurs, transporteurs…) jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle.

Cette planification du transport est donc un sujet à la fois complexe et majeur compte tenu de l’enjeu financier associé.

Des pratiques transposables à d’autres secteurs

Le MRP II (Manufacturing Resource Planning) intègre différents niveaux de planification selon des horizons différents et selon diverses mailles produits.

La planification du transport s’appuie sur deux niveaux du MRP2 :

  • Le Plan Directeur de Production (ou Master Production Schedule) pour établir ou ajuster le Plan de Transport,
  • Le MRP (Material Requirement Planning) qui émet les ordres fermes d’approvisionnement et déclenche les ordres de transport associés.

Le Plan Directeur de Production précise le niveau de cadences de production de chaque usine et détermine les besoins en composants au travers de la nomenclature de planification (planing bill of material). Les volumes d’approvisionnement de pièces ainsi déterminés permettent de dimensionner les volumes à transporter, d’établir si le plan de transport préexistant est adapté ou si des évolutions doivent lui être apportées. C’est sur cet horizon de travail moyen terme que les circuits de transport et les contrats transporteurs associés seront revus et ajustés.

Le calcul MRP permet d’établir les besoins d’approvisionnement fermes devant être mis à disposition par les fournisseurs sous quelques jours. Un levier d’optimisation qui est mis en œuvre par certains constructeurs s’appuie sur le lissage des ordres d’approvisionnement afin de saturer les moyens de transport, le coût du surstock étant très limité comparé au coût du léger surstock.

Cereza Conseil accompagne actuellement un acteur 3PL global pour la conception et la réalisation de processus et d’outils innovants permettant de planifier le transport de différents de ses clients.

Synthèse

Si les principes précédents de planification du transport sont valides pour la plupart des constructeurs, il y a cependant de fortes différences dans leur mise en œuvre. A titre d’exemple, le concept de plan de transport peut varier significativement selon les constructeurs :

  • Si chez certains le plan de transport comporte l’ensemble des circuits qu’il est possible d’activer et que l’engagement avec les transporteurs porte sur un volume global de transport sur la prochaine période,
  • Chez d’autres, le plan de transport est plus précis (mais aussi moins flexible) en définissant les circuits qui couvriront 90% des transports, avec une précision des heures de départ et d’arrivée, des mètres linéaires attribués à chacun des fournisseurs, du transporteur qui assurera les opérations

Chacun de ces modes de fonctionnement peut s’expliquer en fonction des contextes particuliers qui dépassent le simple sujet de la planification du transport, chaque mode de fonctionnement présentant des avantages et des inconvénients.

Plusieurs pistes d’amélioration restent à explorer, principalement en ce qui concerne la diversité des emballages utilisés (en particulier chez les constructeurs occidentaux) et plus généralement la reverse logistics (transports d’emballages vers les fournisseurs).

Les pratiques décrites ci-avant sont bien entendu transposables dans d’autres secteurs d’activité, y compris avec des modes de production différents (Make To Order, Engineer to Order par exemple) et avec des variabilités de volumes plus importantes.

Auteur : Thierry Bur, Senior Manager – Expert en Supply Chain Management au sein de Cereza Conseil et Professeur à l’EPF.

Rendez-vous pour le prochain billet de Thierry Bur qui aura pour thème : « La Business Intelligence géographique ».

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